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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 46

Le lundi 10 avril 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le lundi 10 avril 2000

La séance est ouverte à 16 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Nouveaux sénateurs

Son Honneur le Président: J'ai l'honneur d'informer le Sénat que le greffier a reçu du registraire général du Canada les certificats établissant que les personnes suivantes ont été appelées au Sénat;

John Edward Neil Wiebe
Thomas Benjamin Banks, O.C.

Présentation

Son Honneur le Président informe le Sénat que des sénateurs attendent à la porte pour être présentés.

Les honorables sénateurs suivants sont présentés, puis remettent les brefs de Sa Majesté les appelant au Sénat. Les sénateurs, en présence du greffier, prêtent le serment prescrit et prennent leur siège.

L'honorable John Edward Niel Wiebe, de Swift Current (Saskatchewan), présenté par l'honorable J. Bernard Boudreau, c.p., et l'honorable Joyce Fairbairn, c.p.

L'honorable Benjamin Banks, O.C., d'Edmonton (Alberta), présenté par l'honorable J. Bernard Boudreau, c.p., et l'honorable Nicholas W. Taylor.

Son Honneur le Président informe le Sénat que chacun des honorables sénateurs susmentionnés a fait et signé la déclaration d'aptitude prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d'attester cette déclaration.

(1610)

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de plaisir que j'accueille nos deux nouveaux collègues, les sénateurs Jack Wiebe et Tommy Banks. Tous les deux ont derrière eux une carrière qui les a rendus célèbres et admirés dans leur domaine de compétence respectif.

Le sénateur John Wiebe connaît bien l'agitation de la vie politique, surtout qu'il vient de la province de la Saskatchewan, qui a donné au Sénat certains de ses plus illustres membres passés et présents. Le sénateur Wiebe a été élu à l'Assemblée législative de la Saskatchewan deux fois au cours des années 70, et il vient de terminer son mandat à titre de lieutenant-gouverneur de cette province. Il connaît donc très bien la vie publique.

Il connaît aussi le moteur économique de cette province, c'est-à-dire l'industrie agricole. Quand il a dit qu'il avait passé toute sa vie dans l'agriculture, il n'exagérait pas du tout. Le sénateur Wiebe est depuis longtemps lié au domaine de l'agriculture. Il a participé activement au mouvement coopératif et a siégé au Main Center Wheat Pool Committee, à la coopérative Herbert et au Saskatchewan Co-operative Advisory Board. De 1970 à 1986, il a été président et propriétaire de la société L&W Feeders Ltd.

Sa réussite personnelle, combinée à un fort engagement public face à sa province et à sa communauté, ont sensibilisé le sénateur Wiebe aux aspirations et aux défis de ses concitoyens. Comme le premier ministre Romanow l'a souligné plus tôt cette année:

Jack Wiebe est très doué pour comprendre les préoccupations et les problèmes quotidiens des gens de sa province.

C'est sa faculté de compréhension et son empathie, de même que ses connaissances incontestables dans le domaine de l'agriculture en particulier, qui feront du sénateur Wiebe un élément aussi fort et utile au Sénat.

Le chemin qui a mené le sénateur Banks au Sénat a peut-être été un peu moins traditionnel, mais il n'en a pas été moins intéressant ou estimable pour autant. Le seul fait qu'il soit connu communément sous le nom de «Monsieur Edmonton» nous renseigne davantage sur cet homme que ne pourrait le faire une longue dissertation sur tous les honneurs qu'il a recueillis tout au cours de sa longue carrière musicale. Cela ne signifie pas pour autant qu'un prix Gémeaux, un prix Juno, l'Ordre du Canada et un diplôme honoraire de musique du Collège MacEwan ne soient pas remarquables en soi. Ce ne sont toutefois là que certains des honneurs que notre honorable nouveau collègue a recueillis.

Le titre de «Monsieur Edmonton» montre bien la popularité et l'affection dont il jouit dans sa province et dans sa ville.

Comme je suis juriste de formation, je serais bien le dernier à soutenir qu'il y a trop de juristes au Sénat. Cependant, la venue du sénateur Banks ajoute un nouveau talent et une nouvelle perspective à nos travaux. Un pays ne reste pas uni uniquement par des lois; il lui faut une culture, une âme. Le sénateur Banks, Monsieur Edmonton, nourrit l'âme de notre pays depuis plus de 40 ans et, à mon avis, il était grand temps qu'il prenne sa place au Sénat, non seulement de son propre droit mais aussi en tant que représentant d'un milieu qui a apporté tant d'enrichissement et tant de joie aux Canadiens.

Je lui souhaite, à lui ainsi qu'au sénateur Wiebe, la bienvenue au Sénat. Nous sommes tous impatients de profiter de votre contribution à nos travaux.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis heureux de me joindre au leader du gouvernement pour souhaiter, au nom de tous les sénateurs progressistes-conservateurs, la bienvenue au Sénat à nos nouveaux collègues. Il n'y a pas grand chose que je puisse ajouter à ce que le sénateur Boudreau a déjà dit. Il a fait un excellent exposé des qualités et de l'expérience que les nouveaux sénateurs apportent à notre assemblée.

Je tiens à souligner que le sénateur Wiebe connaît bien la situation de l'agriculture dans l'Ouest, ce qui sera particulièrement précieux à un moment où les comparaisons avec la grande crise économique ne sont malheureusement pas exagérées. Ses collègues de la Saskatchewan des deux côtés du Sénat, sous la direction du sénateur Gustafson, ont accordé aux agriculteurs de l'Ouest la plus grande des priorités, et l'arrivée à ce moment-ci d'une autre autorité en la matière est vraiment la bienvenue au Sénat.

Le sénateur Boudreau, en décrivant les antécédents du sénateur Banks, a négligé de mentionner, sans doute par inadvertance, un des hauts faits de sa carrière. En 1983, notre nouveau collègue a adhéré au Parti progressiste-conservateur du Canada. Le jour est mal choisi pour faire montre de trop d'esprit de parti, mais je tiens à dire au sénateur Banks que s'il veut un jour renouveler son adhésion, nous sommes tous disposés, de ce côté-ci, à l'aider.

(1620)

Je félicite nos deux nouveaux collègues, et je leur souhaite beaucoup de succès dans leurs nouvelles fonctions au Sénat.

Félicitations.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Présentation d'excuses à l'honorable Ron Ghitter

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais vous donner lecture d'une déclaration qui doit paraître dans les éditions du Calgary Herald, du Calgary Sun et du Edmonton Journal du vendredi 14 avril. L'article sera intitulé: «Excuses présentées au sénateur Ghitter par le député Rob Anders et par Ezra Levant».

En septembre 1998, dans un courrier envoyé à 31 000 Albertains pour réunir des financements en prévision des élections sénatoriales de la province, nous avons qualifié en des termes injustes et erronés la personnalité, les déclarations, l'engagement et le travail du sénateur Ghitter. La lettre a été rédigée par Ezra Levant et signée par Rob Anders, du Parti réformiste de l'Alberta.

Le propos de cette lettre était injurieux et abaissant à l'endroit du sénateur Ghitter qui a consacré 30 années de sa vie à la chose publique en exerçant différentes fonctions, notamment celle de député de l'assemblée législative de l'Alberta, de sénateur du Canada, de défenseur des minorités et d'individu ayant mené différentes actions à titre purement bénévole.

Le 25 septembre 1998, le sénateur Ghitter a demandé que nous nous rétractions et que nous fassions don de la somme de 2 500$ à la Société du cancer de l'Alberta. Nous nous y sommes refusés et, en lieu et place, avons fait de nouvelles déclarations publiques inexactes et injurieuses concernant le sénateur Ghitter, et cela dans différents médias. Le 21 octobre 1998, le sénateur Ghitter a intenté contre nous un procès en diffamation.

Notre attaque contre le sénateur Ghitter était injustifiée et nous reconnaissons aujourd'hui avoir porté atteinte à sa réputation. Nous reconnaissons en outre que certaines de nos déclarations étaient fondées sur des faits erronés et sur l'interprétation hors contexte de ses propos.

Nous regrettons d'avoir rédigé et envoyé la lettre et nous tenons à présenter au sénateur Ghitter et à sa famille toutes nos excuses pour notre manque de courtoisie et le caractère déplacé de notre initiative et de nos propos.

Rob Anders, député
Ezra Levant

La Semaine nationale de l'action bénévole

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint suppléant du gouvernement): Honorables sénateurs, la Semaine nationale de l'action bénévole est, au mois d'avril, un moment spécial réservé pour rendre hommage à tous ceux qui donnent de leur temps et de leur énergie au profit de leurs concitoyens. Cette semaine a aussi pour objet de sensibiliser davantage la population à la contribution essentielle des bénévoles à nos collectivités ainsi qu'à l'identité et aux valeurs de notre pays.

Pendant l'automne 1997, plus de 18 000 Canadiens âgés de 15 ans et plus ont été interviewés par Statistique Canada en supplément de l'Enquête sur la population active. Selon l'Enquête nationale sur le don, le bénévolat et la participation, presque un Canadien sur trois fait du bénévolat. Presque trois Canadiens sur quatre aident directement quelqu'un en faisant du travail ménager, en le conduisant à ses rendez-vous ou en lui rendant d'autres services. Quatre Canadiens sur dix donnent de l'argent directement à des personnes qui ne vivent pas avec eux.

En 1997, les Canadiens ont donné plus de 4,5 milliards de dollars en dons de charité, la moyenne des dons étant de 239 $. Les Canadiens dépensent 1,28 milliard de dollars de plus en billets de loterie et en marchandises vendus au profit d'organismes de bienfaisance, ainsi qu'à des jeux de hasard tenus à des fins caritatives.

Aujourd'hui, j'aimerais rendre hommage à tous les Canadiens qui travaillent à l'amélioration de leur collectivité en y faisant du bénévolat. J'aimerais rendre un hommage tout particulier à une bénévole de Calgary du nom de Margaret Newell. Margaret Newell est présidente de la fondation Prairieaction. En partenariat avec les donateurs, la fondation contribue à trouver des solutions à la violence et aux mauvais traitements en appuyant RESOLVE et d'autres oeuvres de bienfaisance qui cherchent des solutions à la violence et aux mauvais traitements.

Depuis trois ans, Margaret travaille inlassablement en vue de créer un fonds de dotation afin de fournir un financement à long terme pour la recherche sur les questions de la violence familiale et de la violence faite aux femmes. Grâce au travail de Margaret et des bénévoles de la fondation Prairieaction, la fondation, qui s'était fixé un objectif de 5 millions de dollars, en a déjà recueilli 4,6 millions.

Je la salue ainsi que tous les bénévoles qui, individuellement et collectivement, oeuvrent pour faire du Canada le pays au monde où il fait le mieux vivre.

Le Manifeste de la jeunesse

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, ce matin, j'ai eu le privilège d'assister à une cérémonie spéciale. Ici même en cette enceinte, des délégués du Parlement mondial des enfants ont remis au Parlement du Canada - au sénateur Molgat et au Président Parent - le «Manifeste de la jeunesse pour le XXIe siècle».

Ce matin, des jeunes du Canada, de l'Australie, des Bahamas, de la Bulgarie, du Burkina Faso, de la France, du Kenya, de l'Irlande du Nord, de la Norvège, de la République de Corée, de la Russie et du Sri Lanka nous ont lu le Manifeste de la jeunesse. C'est un document important, et j'invite tous les honorables sénateurs à le lire.

Le Manifeste de la jeunesse définit les attentes des jeunes quant à savoir ce que sera le monde dans le siècle qui vient de commencer. Ils prévoient un monde de paix et cela est tout à fait approprié, car l'an 2000 est l'Année internationale de la culture de la paix et la Décennie internationale de la culture de la paix et de la non-violence pour les enfants du monde commence l'année prochaine. Les intéressés voient une éducation abordable et accessible universellement comme l'une des clés de la paix mondiale, avec la capacité de répondre aux besoins fondamentaux des êtres humains et la solidarité, qu'ils définissent comme le fait de s'occuper des autres et de les respecter. Ils parlent également de la nécessité de respecter l'environnement, de promouvoir la culture, les communications et le dialogue interculturel.

Cependant, le Manifeste de la jeunesse n'établit pas qu'une série de grands idéaux; il propose également des façons réfléchies et concrètes pour les gouvernements des divers pays d'aider à faire de ces attentes une réalité.

Le «Manifeste de la jeunesse pour le XXIe siècle» découle du premier Parlement mondial des enfants qui a été parrainé par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Il a réuni 380 étudiants du secondaire de quelque 175 pays qui étaient, sauf erreur, âgés de 12 à 16 ans et qui se sont réunis à Paris, en France, en octobre dernier. Le Manifeste de la jeunesse a été présenté à la Conférence générale de l'UNESCO le 26 octobre 1999. Cette année, il est présenté à tous les chefs d'État ou de gouvernement et aux présidents des parlements. Aujourd'hui, le Parlement canadien a eu l'honneur d'être le premier parlement du monde à recevoir le Manifeste de la jeunesse depuis qu'il a été présenté à l'UNESCO.

Il est clair que les jeunes du Canada et d'autres pays qui ont rédigé le «Manifeste de la jeunesse pour le XXIe siècle» sont les dirigeants de demain. Je sais que tous les honorables sénateurs vont se joindre à moi pour applaudir leur enthousiasme, leur perspicacité et leur engagement.

Enfin, je voudrais vous lire un petit passage qui a été écrit par Ralitza Houbanova, de la Bulgarie. Après avoir été invitée au Canada, elle a écrit:

Merci de tout mon coeur d'avoir réalisé mon rêve! Vous venez de réchauffer des coeurs passionnés qui battent d'impatience de se réunir à nouveau dans un pays appelé le Canada sous la protection de «l'unifolié».

La Semaine nationale de l'action bénévole

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je prends également la parole pour signaler que du 9 au 15 avril, c'est la Semaine nationale de l'action bénévole.

Il convient de souligner que la Semaine nationale de l'action bénévole a été proclamée pour la première fois en 1943 par des organisations de femmes bénévoles pour attirer l'attention de la population sur la contribution cruciale des femmes à l'effort de guerre au pays. Depuis lors, l'événement a pris de l'importance et aujourd'hui, la troisième semaine d'avril est devenue officiellement le moment de l'année où l'on rend hommage aux bénévoles du Canada.

Il est important que la Chambre rende hommage aux bénévoles durant cette semaine et tout au long de l'année en raison de la contribution essentielle qu'ils apportent à la qualité de vie au sein de nos collectivités et dans la société toute entière. À cet égard, chaque année, le Gouverneur général décerne à des bénévoles le Prix pour l'entraide. Ce prix est remis à des personnes pour leurs contributions non rémunérées, qui se font pour la plupart loin des feux de la rampe et au niveau communautaire.

Un certain nombre des récipiendaires de cette année - cinq pour être précis - sont originaires de l'Île-du-Prince-Édouard. Je voudrais les féliciter pour leurs efforts et leur dévouement à leur communauté. Il s'agit de M. Tom DeBlois, de Charlottetown, pour sa contribution exceptionnelle aux soins de santé de l'île; de Mme Helen Flora MacIsaac, de Souris, qui a organisé la première campagne de sollicitation de porte-à-porte de la région de Souris pour le compte de la Société canadienne du cancer et qui est membre fondatrice du Rassemblement canadien pour l'alphabétisation; de Mme Darlene Harper, de Mme Cathy Carragher et de Mme Gina Randin, toutes trois de Cornwall, qui ont consacré une année à la planification, à la promotion et au financement de la contruction du Elliott River Dream Park, un endroit où les enfants peuvent jouer.

(1630)

Le travail accompli par ces cinq personnes constitue un excellent exemple du type de travail mené dans ce pays et de l'impact que peut avoir une personne sur la vie des autres.

Le volontarisme augmentant dans tous les groupes d'âge, doublant même chez les 15 à 24 ans, je sais que l'avenir est entre de bonnes mains.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Régie interne, Budgets et Administration

Présentation du huitième rapport du comité

L'honorable Pierre Claude Nolin, vice-président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le lundi 10 avril 2000

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité désire informer le Sénat de l'adoption d'un plan d'action pour faciliter l'accès aux personnes handicapées. Ce plan d'action a été établi en collaboration étroite avec des représentants des handicapés et il a entraîné les mesures suivantes jusqu'à maintenant:

i) Le 2 décembre 1999, un Guide sur les personnes handicapées à l'intention des sénateurs a été déposé au Sénat;

ii) Un projet de Guide du formateur, accompagnant le Guide sur les personnes handicapées à l'intention des sénateurs, a été préparé;

iii) Un bureau de coordination a été créé et chargé d'appliquer le plan d'action et de veiller à la bonne marche du projet;

iv) Le 24 février 2000, l'honorable sénateur Carstairs et l'honorable sénateur Robertson ont présenté au Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration le Plan d'action - Accès aux édifices et installations du Sénat pour les personnes handicapées, lequel a été approuvé par le Comité;

v) Le 30 mars 2000, une trousse d'information a été réunie. Elle comprend le Guide sur les personnes handicapées, les versions en 12 points et 16 points du Plan d'action et un enregistrement audio et DC du plan d'action; et

vi) Votre comité est en train de préparer une version en braille, qui sera prête d'ici la mi-avril. Elle sera incluse dans la trousse d'information.

Votre comité propose que les mesures suivantes soient mises en 9uvre durant l'année financière 2000-2001:

vii) Finaliser la trousse d'information et la faire diffuser par le Président aux assemblées législatives provinciales ainsi qu'à tous nos homologues du Commonwealth, les invitant à faire connaître les mesures prises par eux à l'endroit des personnes handicapées;

viii) Un guide sur les personnes handicapées à l'intention du personnel sera préparé ;

ix) Une série de cours sur diverses questions touchant les personnes handicapées à l'intention des gestionnaires et des employés sera préparée et donnée;

x) Faciliter l'accès à l'Internet.

xi) L'information sur les questions d'incapacité sera versée dans l'Intranet du Sénat.

Votre comité désire remercier les sénateurs Carstairs et Robertson pour leur aide avec ce projet et recommande l'adoption de ce rapport par le Sénat.

Respectueusement soumis,

Le vice-président,
PIERRE CLAUDE NOLIN

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Nolin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales

Première lecture

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu un message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-473, visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du mercredi 12 avril 2000.)

[Français]

Transports et communications

Avis de motion portant autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi, le 11 avril 2000, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à siéger à 17 h 30 le mercredi 12 avril 2000 pour son étude du Projet de loi S-17, Loi concernant la responsabilité en matière maritime et la validité de certains règlements, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Avis de motion visant à donner instruction d'amender au comité:

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mardi 11 avril 2000, je proposerai:

Qu'au moment du renvoi du projet de loi C-20 au comité, ce dernier reçoive instruction d'amender ledit projet de loi de manière à faire du Sénat du Canada un partenaire égal à la Chambre des communes, et de faire rapport en conséquence.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux publics et les services gouvernementaux

Le rôle présumé du Cabinet du premier ministre dans l'achat d'un immeuble à Hull, au Québec

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, le National Post de vendredi dernier comprenait un article très intéressant mettant en cause le cabinet du premier ministre, le chef de cabinet du premier ministre, plusieurs ministres, le chef du groupe de la stratégie électorale du premier ministre, M. John Rae, ainsi qu'un lobbyiste d'Ottawa, à la fois ami personnel et compagnon de golf du premier ministre, M. Hugh Riopelle. Cet article faisait état des efforts consentis par ces personnes afin que le gouvernement achète un immeuble de Hull appartenant à un homme d'affaires libéral bien connu, Pierre Bourque père.

Comme je l'ai souligné la semaine dernière, beaucoup d'activités semblaient se dérouler en coulisse pour le compte de M. Bourque. Selon des sources, M. Bourque, «qui a versé une importante somme d'argent à la campagne à la direction de M. Chrétien en 1990,» vit une situation difficile et a déclaré qu'il a besoin des 8,3 millions de dollars que lui rapporterait la vente de l'immeuble Louis St. Laurent, à Hull, pour se libérer de sa dette.

Il convient particulièrement de signaler qu'en février, M. Bourque a rencontré M. John Rae, chef du comité de stratégie électorale de M. Chrétien. M. John Rae aurait déclaré:

Je le connais depuis longtemps. Nous ne sommes absolument pas des amis intimes. Ce n'est pas un secret qu'il éprouve des difficultés financières et que je lui ai accordé de l'aide.

Pourquoi un des plus proches confidents du premier ministre donnerait-il de l'argent à M. Bourque pendant le déroulement de négociations concernant la vente d'un immeuble à Hull? De quel montant s'agit-il et qu'est-ce qui peut justifier ce geste? Devons-nous tenir pour acquis que M. Rae participe aux négociations entourant la vente de l'immeuble?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne saurais répondre à certaines des questions de l'honorable sénateur et il en irait de même de quiconque occuperait mon poste. Je ne peux porter de jugement sur les liens que M. Rae a pu entretenir avec qui que ce soit. Je me contenterai de dire que je ne suis pas au courant de présentations qui auraient été faites par M. Rae au nom de la personne en question. En réalité, je crois que la décision évoquée par l'honorable sénateur n'a pas été prise par le gouvernement. Cette décision n'a pas été prise. Par conséquent, je ne vois pas bien en quoi l'honorable sénateur estime qu'il est important qu'un représentant du gouvernement commente cette affaire.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, je n'ai pas dit que la décision a été prise par le gouvernement. J'ai dit que des pressions ont été exercées sur le gouvernement.

Honorables sénateurs, dans le même article, on raconte que plusieurs ministres ont résisté aux pressions du bureau du premier ministre, du ministre Gagliano et de l'ami lobbyiste du premier ministre d'accepter ce marché, mais que plusieurs autres l'ont accepté, dont la ministre de la Justice, le solliciteur général du Canada et le leader du gouvernement au Sénat. Est-ce vrai? Le leader du gouvernement au Sénat a-t-il consenti à appuyer cette mesure? Peut-il expliquer pourquoi on désire tellement résoudre les problèmes financiers de M. Bourque?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je crois que les délibérations dont parle cet article étaient des délibérations du Conseil du Trésor, qui est un comité du Cabinet. Toutes les discussions de ce genre demeurent confidentielles, peu importe les spéculations sur leur contenu ou la position de tel ou tel intervenant. Elles ont toujours été confidentielles, et j'espère qu'elles le resteront toujours.

Cependant, je peux dire deux choses au sénateur. D'abord, en ce qui concerne l'affirmation voulant que John Rae ait exercé des pressions, je dois dire qu'il n'en a pas exercées sur moi. Ensuite, une décision n'a pas été prise par le Conseil du Trésor.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, y a-t-il quelque chose que nous ne comprenons pas? Pourquoi M. John Rae, un des plus proches confidents du premier ministre, interviendrait-il pour aider financièrement M. Bourque? Pourquoi des gens sont-ils tellement rongés par le désir de résoudre les problèmes financiers de M. Bourque? Pourquoi une personne comme M. Rae serait-elle mêlée à cette affaire? Qu'est-ce qui se passe?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, j'ignore totalement pourquoi M. Rae ou toute autre personne pourrait aider quelqu'un. Je peux seulement dire, en tant que membre du Conseil du Trésor, qu'aucune instance ne m'a été présentée et, à ce que je sache, aucune instance n'a été présentée à toute autre personne. Je dois nuancer ces propos en disant que je peux seulement parler de ce que je sais. M. Rae ne m'a présenté aucune instance au nom de cette personne. La décision se passe d'explications.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, à part la discussion que le leader du gouvernement au Sénat a eue lors de la réunion du Conseil du Trésor, que sait-il personnellement de l'affaire de cet immeuble à Hull? Que sait-il de cette histoire?

(1640)

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, ce que je sais à propos de l'immeuble, je l'ai appris lors des discussions du Conseil du Trésor. Je ne sais rien d'autre, donc, je ne peux en dire plus.

Le sénateur Nolin: Le sénateur a-t-il rencontré M. Bourque ou l'un de ses représentants?

Le sénateur Boudreau: Je n'ai jamais rencontré M. Bourque. S'il entrait dans la salle, je ne saurais même pas que c'est lui.

Le sénateur Nolin: Un de ses représentants a-t-il rencontré le sénateur ou l'a-t-il appelé ou bien a-t-il communiqué avec lui?

Le sénateur Boudreau: Non.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, j'ai une autre question complémentaire à poser.

Le directeur de cabinet du premier ministre, M. Pelletier, ou M. Hugh Riopelle ont-ils fait des démarches auprès du ministre Boudreau pour le compte de M. Bourque?

Le sénateur Boudreau: Personne n'a fait de démarches auprès de moi. Je ne connais pas la première personne dont vous avez parlé, M. Riopelle.

Le sénateur LeBreton: M. Pelletier?

Le sénateur Boudreau: Je connais M. Pelletier, mais personne n'est intervenu auprès de moi au nom de M. Bourque. Les discussions se tiennent au sein des comités du Cabinet, comme on peut s'y attendre, et elles demeurent confidentielles. Je ne peux que revenir sur l'élément fondamental, c'est-à-dire que, peu importe ce que certains laissent entendre, il est clair que la décision a été prise par le Conseil du Trésor.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a

Troisième lecture-motion d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur St. Germain, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois dans six mois.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, j'ai développé au fil des années un vif intérêt pour tout ce qui concerne les pêches. Pourquoi? Parce que j'ai vu de mes yeux l'incidence profonde que les décisions gouvernementales peuvent avoir sur la vie des habitants des localités tributaires des ressources naturelles. Ces gens-là sont mes voisins et mes amis.

Ce que certains pourraient qualifier de simples décisions bureaucratiques peuvent parfois faire ou briser des localités et modifier pour toujours le mode de vie de générations de familles. Les décisions prises dans la lointaine Ottawa - les contrôles contingentaires, la délivrance de permis, les règlements, la répartition des stocks - ne sont pas des abstractions. Elles peuvent influencer profondément la vie, le bien-être et l'avenir d'innombrables familles.

Les parlementaires des régions urbaines, qui forment la majorité des parlementaires fédéraux, seraient étonnés de voir la portée que peut avoir la plus simple modification des règles. C'est pourquoi j'examine tous les projets de loi concernant les pêches. C'est en ayant cela à l'esprit que j'ai d'abord examiné le traité nisga'a, le fondement du projet de loi C-9. Je n'avais pas mon intérêt personnel en vue. La vallée de la rivière Nass est très loin de ma province. Qui suis-je pour mettre en doute la nécessité de résoudre un conflit de longue date afin de rendre justice à la nation nisga'a?

En outre, il est évident que les Nisga'as ont un attachement historique pour la ressource halieutique de la vallée de la Nass. Il n'est que juste qu'on leur assure un accès continu à cette ressource.

J'ai donc simplement examiné le moyen - l'instrument - avec lequel le gouvernement procéderait à l'allocation. J'avais aussi entendu proposer que nous devrions faire confiance au gouvernement et adopter rapidement le projet de loi. Par contre, j'approuve le vieux dicton arabe qui dit à peu près ceci: «Aie confiance en Dieu, mais attache quand même ton chameau.»

Honorables sénateurs, je voulais être sûr que nous n'avions pas créé un précédent que nous risquions de regretter un jour. Je dois avouer que cela m'inquiétait aussi un peu de voir que ce dossier avait été confié au ministre Bob Nault. J'avais vu la conduite insensible que le ministre avait eue après la décision de la Cour suprême dans l'affaire Marshall, dans la région canadienne de l'Atlantique.

Je ne vais pas entrer dans le sujet ni dans la controverse qui a entouré la décision de la Cour suprême dans la région canadienne de l'Atlantique. Qu'il suffise de dire que cette décision a tout de suite suscité beaucoup d'émotion. Alors que les Canadiens de l'Atlantique étaient sous le choc de la première décision de la Cour suprême, alors que l'émotivité était à son comble et que les inquiétudes étaient on ne peut plus vives, alors que le calme et la raison étaient de mise, le ministre Nault tenait, partout dans le Canada atlantique, des propos provocateurs, affirmant que plus rien n'était garanti pour ceux dont la subsistance dépendait, depuis des siècles, des ressources de la terre et de la mer. Tout pouvait être en jeu, selon M. Nault: les mines et les forêts de la Couronne provinciale, les ressources halieutiques, les bleuets, les ressources minérales, le gaz naturel, le pétrole et les espèces chassées. Il a déclaré que la décision de la Cour suprême allait donner du poids à toutes les revendications qui découlaient des traités partout au Canada et qui visaient les ressources naturelles.

Les Canadiens de l'Atlantique ne sont pas prêts d'oublier les images du ministre Nault qui étaient diffusées pendant cette période explosive et qui montraient le ministre, lors d'une visite dans une collectivité autochtone de la Nouvelle-Écosse, en train de se régaler de homards, comme un Henri VIII des temps modernes, alors que les Canadiens de l'Atlantique se sentaient comme Anne Boleyn.

Le ministre Dhaliwal, c'est tout à son honneur - et que Dieu le bénisse - est resté discret et a laissé la poussière retomber avant de tenir des propos calmes et apaisants pour surmonter la tempête, si vous me permettez cette métaphore. Le ministre Nault ne nous a donc pas incités à nous fier à son jugement.

Les honorables sénateurs devraient savoir que la Couronne et le Parlement ne sont pas propriétaires des ressources qui se trouvent dans les eaux de marée. Les ressources halieutiques appartiennent à la population. Ce sont des ressources de propriété commune. Le gouvernement fédéral est le gardien de ces ressources halieutiques. Par conséquent, il n'a pas le droit de les céder à sa guise.

Je voudrais citer encore une fois, comme je l'ai déjà fait en cette enceinte, les propos de l'ex-juge en chef de la Cour suprême du Canada, Antonio Lamer:

Il est établi sans conteste en droit depuis la Grande Charte qu'aucune nouvelle pêcherie exclusive ne peut être créée par concession royale dans les eaux à marée et qu'aucun droit du public de pêcher dans de telles eaux, existant alors, ne peut être retiré sans texte législatif constitutionnel.

Cet extrait est tiré de l'arrêt R. c. Gladstone de la Cour suprême du Canada en date du 21 août 1996.

L'arrêt Gladstone se poursuit ainsi:

[...] on n'entendait sûrement pas, par l'édiction du par. 35(1), que ces droits reconnus au public par la common law soient éteints dans les cas où il existe un droit ancestral de pêcher commercialement.

D'autres interprètent cette position du Canada de la même façon. Permettez-moi de citer un article de la revue de l'Association du droit maritime d'Australie et de Nouvelle-Zélande, qui traite directement de cette question.

Au Canada, les demandes visant des zones de pêche n'ont pas eu plus de succès.

Je souligne qu'aux termes de l'article 7 de la Loi sur les pêches, le Cabinet peut demander au Parlement l'autorisation légale de réserver des zones de pêche.

À ce que j'ai pu en juger, cette autorisation légale n'a jamais été demandée au Canada. Il n'y a jamais eu de demande visant à déterminer une zone de pêche dont l'accès serait interdit à d'autres Canadiens. L'accord nisga'a crée donc un précédent historique.

Mettant de côté pour un moment les mérites d'une allocation de poisson aux Nisga'as - et je ne remets pas en cause le noble objectif qui est de prévoir l'accès des Nisga'as -, les sénateurs devraient savoir que le chapitre 8 du traité nisga'a réserve une allocation permanente de 17 p. 100 du total autorisé des captures de saumon de la rivière Nass aux Nisga'as. De plus, aux termes du paragraphe 2 du chapitre 8, l'allocation devient un droit issu de traité qui est protégé en vertu de l'article 35 et, il importe de le noter, le paragraphe 71 du chapitre 8 établit la suprématie de la nation nisga'a sur cette pêche. D'autres sénateurs parleront de la suprématie avec beaucoup plus d'éloquence que je ne pourrais le faire.

Malgré les observations catégoriques du juge Lamer concernant les allocations de zones de pêche, un obscur avocat du ministère de la Justice a comparu devant le comité pour annoncer qu'une allocation de poisson aux Nisga'as ne correspondait pas à l'allocation d'une zone de pêche, dans un sens juridique, puisque les stocks restants étaient ouverts à d'autres:

Le fait que ces droits ne s'appliqueraient qu'aux Nisga'as ne créerait pas, en droit, une zone de pêche puisque aucune disposition ne nie le droit d'accès public à la pêche non plus.

En l'absence d'une réflexion parlementaire ou d'une consultation publique, cet obscur avocat de la Justice établit donc des critères pour les zones de pêche qui pourraient avoir une incidence nette et permanente sur la vie de milliers d'habitants des côtes. Le ministre Nault et le sénateur Austin reprennent ce faux raisonnement pour justifier leur affirmation voulant qu'il ne soit pas question de l'allocation d'une zone de pêche exclusive. Ils proposent que, pour qu'une zone de pêche soit définie comme une zone de pêche exclusive, dans le sens juridique qu'on donne à cette expression selon la Grande Charte, il faudra que toutes les conditions ci-dessous soient remplies: la ressource se trouvant dans l'eau doit être la «propriété privée» du propriétaire; 100 p. 100 des poissons doivent appartenir exclusivement au propriétaire; le propriétaire exclusif a le droit de bloquer une partie de la rivière pour empêcher d'autres pêcheurs de pêcher en vertu de la loi ordinaire et pour empêcher la navigation dans cette partie du cours d'eau; le propriétaire a le droit exclusif de vendre la ressource; et le devoir du ministre de préserver les ressources et de fixer le total des prises autorisées est aboli. Tout cela n'est rien d'autre qu'une habile diversion.

Une zone de pêche exclusive est créée lorsqu'un pourcentage précis du stock de poissons est en permanence réservé à l'usage exclusif d'un groupe de personnes en particulier.

(1650)

Elle est exclusive parce que les autres n'ont plus jamais droit à une allocation et parce qu'ils n'ont pas le droit de se joindre au groupe. L'exclusivité vient du fait que certaines catégories de Canadiens n'ont pas accès à une allocation en particulier. Il ne faut pas être scientifique nucléaire pour comprendre cela.

Au chapitre 8, page 111 de l'accord, on parle des droits des Nisga'as détenus par la nation nisga'a. J'invite le sénateur Austin à vérifier dans un dictionnaire ce que signifient les mots «droits» et «exclusifs». Peu importe comment on choisit de définir le mot allocation, il existe une allocation précise de 17 p. 100 réservée à l'usage exclusif des Nisga'as.

Il existe un autre précédent pertinent. Le document de discussion no 16 dit, au numéro 4, page 16:

L'Accord définitif nisga'a prévoit un processus pour déterminer les allocations d'espèces autres que les salmonidés, après la date d'entrée en vigueur de l'accord définitif, et présente les critères de base de ces allocations [...]. On a déjà déterminé que le crabe, le flétan, les crevettes, le hareng et le varech seront des espèces pour lesquelles des allocations seront fixées une fois terminées les études appropriées sur la récolte et les données biologiques.

Le Parlement accorde le pouvoir au Cabinet sur les allocations futures portant sur d'autres espèces - non seulement les allocations actuelles, mais encore les allocations futures. Autrement dit, le Parlement dit au Cabinet: «Voici un chèque en blanc - soit dit en passant, il porte notre signature pour des espèces autres que le saumon. Vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Nous vous faisons confiance. Allez-y.» Veut-on vraiment créer un régime où nous dirons au Cabinet: «Prenez les ressources halieutiques - qui ne vous appartiennent pas -, accordez-les comme vous voulez et placez-les sous la protection de l'article 35 pour que nous ne puissions jamais contester votre décision»? Je signale aux sénateurs que cet accord échappera toujours à la portée des parlementaires.

J'invite également les sénateurs à examiner les dispositions qu'on trouve à la page 26 de l'accord. L'article 37 prévoit:

Le Canada donne son consentement à une modification de l'Accord par décret du gouverneur en conseil.

Il s'agit, bien sûr, du Cabinet.

L'article 38 prévoit:

La Colombie-Britannique donne son consentement à une modification à l'Accord par résolution de la Législature de la Colombie-Britannique.

Ce que je trouve intéressant, c'est qu'on fait confiance aux législateurs de la Colombie-Britannique pour approuver les modifications dans l'avenir, mais qu'on n'accorde pas la même confiance aux parlementaires fédéraux. Quoi de neuf? Le gouvernement a montré, dans le projet de loi sur la clarté, qu'il ne fait pas confiance à notre jugement en ce qui concerne l'éclatement de notre pays. Pourquoi ferait-il confiance à notre jugement pour les traités?

La loi de mise en oeuvre du traité nisga'a ne pourra pas être modifiée par le Parlement après son adoption. Elle supprimera de façon permanente de la compétence parlementaire les 17 p. 100 représentés par les stocks de la rivière Nass et des espèces autres que le saumon et transfèrera pour toujours ce pouvoir au Cabinet. Celui-ci assumera alors le pouvoir législatif d'approuver les modifications apportées au traité. J'invite les sénateurs à invoquer tout précédent où le Parlement a renoncé de façon permanente à pareille responsabilité parlementaire. Compte tenu que le Parlement renoncera pour toujours à cette responsabilité et à ce pouvoir législatifs sur les stocks de saumon au profit du Cabinet, l'abdication du pouvoir législatif à l'exécutif n'est-elle pas une modification constitutionnelle?

Je suis d'avis que nous ne disposons pas du pouvoir législatif pour supprimer à jamais le droit de regard du public sur les allocations de poisson en le plaçant sous la protection de l'article 35. Nous ne pouvons pas renoncer pour toujours à notre responsabilité et à notre devoir de gérance de cette ressource appartenant à tous.

Les honorables sénateurs sauront que le ministre Nault a été nommé ministre principal chargé de régler les questions concernant l'allocation à long terme des ressources aux autochtones de la côte est. J'avoue craindre que le ministre Nault ne soit tenté d'appliquer ce nouveau régime d'allocation aux pêcheries de la côte est pour satisfaire les demandes d'accès des autochtones. Le danger est que l'allocation du saumon en vertu de l'accord nisga'a ne crée un précédent ou ne devienne le modèle dont le gouvernement s'inspirera pour régler le différend concernant le homard de la côte est, créé par la décision Marshall. C'est encore plus inquiétant si on tient compte du fait que le ministre Nault est le défenseur des autochtones au Cabinet.

Je rappelle aux honorables sénateurs que le gouvernement estime qu'il ne s'agit pas d'une pêcherie exclusive et qu'il est tout à fait normal pour le gouvernement d'attribuer des ressources de pêche exclusives à des groupes et de retirer aux parlementaires leur responsabilité législative à l'égard de ces stocks. Lorsque j'ai fait valoir ces préoccupations auprès du sénateur Austin au Sénat il y a deux semaines, le sénateur a répondu qu'il s'agissait d'une décision politique et qu'il ne voulait pas discuter de l'élargissement de cette politique. S'il s'agit de la politique du gouvernement, je crains que les communautés de pêche actuelles dans la région de l'Atlantique n'aient plus aucun avenir.

Qu'est-ce qui empêche le gouvernement ou ses successeurs d'attribuer des droits de pêche à l'égard des autres stocks de saumon de la côte ouest et du homard, du crabe des neiges, du thon, des pétoncles et du poisson de fond de la côte est?

Quand on lui a demandé si le gouvernement avait demandé des avis juridiques, autres que ceux du ministère de la Justice, au sujet de l'attribution de poisson, le ministre Nault a admis que le gouvernement n'avait eu recours à personne à l'extérieur du ministère. En fait, il n'a été question que du sénateur Beaudoin, mon estimé collègue qui siège à ma droite. Le sénateur Beaudoin m'informe qu'on ne lui a pas demandé son avis et qu'il n'a donné aucune opinion juridique ou constitutionnelle sur cette question.

Le Parlement a pour rôle de contrôler les décisions du gouvernement. Ne nous soustrayons pas à cette responsabilité. Nous ne devons pas faire aveuglément confiance au Cabinet. Le premier ministre et le personnel de son cabinet ont actuellement trop de pouvoirs. Il n'est pas dans notre intérêt de céder nos responsabilités parlementaires au premier ministre. Ce serait peut-être pour une bonne cause, mais les moyens à prendre pour parvenir à une fin sont parfois trop coûteux.

J'invite tous les honorables sénateurs à réfléchir attentivement aux ramifications de ce précédent, et je demande en particulier à mes collègues des régions qui dépendent de ces ressources s'ils veulent vraiment créer ce précédent et donner ainsi à l'actuel ministre des Affaires indiennes et à ses successeurs les moyens de constitutionnaliser à perpétuité l'allocation des pêcheries.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Christensen, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada

Troisième lecture

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint suppléant du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-13, Loi portant création des Instituts de recherche en santé du Canada, abrogeant la Loi sur le Conseil de recherches médicales et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture-suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, notre Constitution de 1867 est muette sur la sécession d'une province. Évidemment, nous jouissons des pleins pouvoirs de modification depuis 1982, et il peut y avoir sécession d'une province par voie de modification constitutionnelle. Toute disposition de la Constitution peut être modifiée. Notre Constitution est aussi muette sur la question des référendums. Le Parlement et les provinces peuvent adopter des lois à cet égard. Un référendum est facultatif dans notre système.

En 1996, un renvoi à été fait à la Cour suprême pour savoir si une province peut déclarer son indépendance de façon unilatérale selon la Constitution ou selon le droit international. La réponse a été non dans les deux cas. La Cour suprême a ajouté que, avec une question référendaire claire et un résultat clair, le gouvernement fédéral et les autres provinces ont l'obligation constitutionnelle de négocier la sécession en respectant les grands principes de notre démocratie parlementaire, comme le constitutionnalisme et la primauté du droit, le fédéralisme, la démocratie et le respect des droits des minorités.

La Cour suprême a dit dans son avis que c'est aux «acteurs politiques» de négocier. Les négociations peuvent se faire par une déclaration du pouvoir exécutif, comme c'est le cas depuis un siècle, ou par une loi. J'ai été un peu surpris de voir que le gouvernement avait choisi la voie législative. C'est probablement plus impressionnant, mais c'est certainement beaucoup moins flexible.

(1700)

Dans son opinion, la Cour suprême a déclaré expressément que les négociations suivant un référendum sur la sécession devaient se dérouler dans l'arène politique et que la cour n'aurait aucun rôle de surveillance à jouer dans ces négociations.

[Français]

Le projet de loi sur la clarté prévoit qu'il revient à la Chambre des communes, et à elle seule, de déterminer la clarté de la question et du résultat référendaire et d'ordonner au gouvernement de négocier ou non. Le Sénat, à cet égard, n'a qu'un rôle consultatif.

Le projet de loi C-20 édicte que la Chambre des communes décide de la clarté de la question posée dans les 30 jours suivant le dépôt de la question à l'assemblée législative de la province concernée. Cette décision est prise par une résolution. La question ne doit porter que sur la sécession et non sur un mandat de négocier ou offrir d'autres possibilités, partenariat, association économique ou politique, qui rendraient ambiguë l'expression de la volonté de la population de la province concernée.

De même, la Chambre des communes détermine si une majorité claire de la population concernée a clairement voté pour la sécession. À cet égard, la Chambre des communes doit considérer les facteurs suivants: l'importance de la majorité des voix validement exprimées en faveur de la sécession, le pourcentage des électeurs admissibles et tout autre facteur pertinent.

Dans les deux cas, la clarté de la question et la majorité recueillie, la Chambre des communes prend aussi en considération les opinions des partis politiques représentés à l'assemblée législative de la province concernée, celle des autres gouvernements provinciaux et territoriaux, celle des peuples autochtones ainsi que celle du Sénat. Si la Chambre des communes décide que la question n'est pas claire ou que la majorité recueillie n'est pas claire, il sera interdit au gouvernement du Canada d'engager des négociations avec la province concernée.

[Traduction]

Il faut dire ici que le Canada, ayant un régime de démocratie parlementaire, est tenu de suivre certaines règles. Le pouvoir législatif est prévu, décrit et défini dans la Constitution. En outre, de nombreuses conventions constitutionnelles, comme celles du gouvernement responsable et du vote de confiance, sont en grande partie non écrites, mais font tout de même partie de la Constitution. Celle-ci comprend trois éléments: les textes fondamentaux, les précédents judiciaires et les conventions.

Dans notre fédération, les pouvoirs sont divisés entre deux ordres de gouvernement, essentiellement par les articles 91 à 95 de la Constitution. Certains pouvoirs sont exclusifs et quelques-uns sont partagés.

Le régime démocratique du Canada comprend un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire, qui a le contrôle de la constitutionnalité des lois. Ce qui est suprême, dans notre pays, c'est la Constitution. Il est dit clairement dans la Loi constitutionnelle de 1982 que la loi suprême du pays est la Constitution.

Le projet de loi C-20 dispose également que, à la fin des négociations sur la sécession, il faut adopter une modification de la Constitution. Depuis 1982, nous avons cinq formules de modification. La cour n'a pas été invitée à dire quelle formule s'appliquerait dans le cas d'une sécession. Faut-il l'unanimité, ou l'appui d'Ottawa et de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population? Le projet de loi C-20 est muet là-dessus également, et les juristes ont des opinions partagées.

[Français]

Les négociations des termes de la sécession porteraient, entre autres, sur les éléments suivants: la dette, les frontières de la province sécessionniste, les droits, les intérêts, les revendications territoriales des peuples autochtones et la protection des droits des minorités.

Le projet de loi C-20 s'inscrit dans la suite de l'avis consultatif de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec. Les dispositions du projet de loi font d'ailleurs référence aux passages pertinents du renvoi. Le projet de loi C-20 ne dicte pas la question référendaire; - d'ailleurs la question ne relève que de la législature provinciale - le projet de loi C-20 précise néanmoins que la question posée, dans un tel cas, ne doit porter que sur un seul élément, soit la sécession.

Le projet de loi C-20 ne fixe pas de seuil en deça duquel il n'y aurait pas de majorité claire. C'est la Chambre des communes qui évaluera la clarté de la majorité après que les résultats référendaires seront connus.

L'objet du projet de loi C-20 est d'énoncer les conditions qui permettront au gouvernement du Canada d'entamer des négociations sur les termes de la sécession d'une province.

Trois points dans le projet de loi me paraissent porter flanc à la critique. Premièrement, le rôle de la Chambre des communes, lorsqu'elle se penche sur la clarté de la question référendaire et «détermine» si la question est claire, ressemble étrangement à celui d'un tribunal qui détermine les droits des parties.

[Traduction]

L'esprit du fédéralisme est-il respecté? Dans un État fédéral, les deux ordres de gouvernement sont égaux et souverains dans leurs champs respectifs de compétence, mais, comme je l'ai déjà dit, c'est la Constitution qui est suprême.

[Français]

À mon avis, le projet de loi C-20 devrait être avantageusement modifié afin de remplacer le mot «détermine» par le mot «déclare». Ce serait plus juste et plus respectueux du fédéralisme qui, la Cour suprême l'a dit, est le trait dominant de notre pays.

Deuxièmement, pour ce qui est du Sénat, et c'est mon point fondamental, le projet de loi C-20 lui attribue un rôle marginal, celui d'être simplement consulté alors que la Chambre des communes, elle, décide. Ceci va à l'encontre même de l'égalité des deux Chambres sur le plan législatif.

[Traduction]

Le Sénat est une Chambre législative au même titre que la Chambre des communes. Au palier fédéral, le Parlement est composé de deux Chambres. En matière d'adoption des lois, les deux Chambres sont égales. Elles ont les mêmes pouvoirs, sauf dans trois domaines: premièrement, il n'y a pas de votes de confiance au Sénat; deuxièmement, un projet de loi de finances doit nécessairement être d'abord proposé à la Chambre des communes; et troisièmement, le Sénat a un droit de veto suspensif seulement sur les amendements constitutionnels.

Cependant, il ne s'agit ici ni d'un vote de confiance, ni d'un projet de loi de finances, ni d'un amendement constitutionnel. Il s'agit d'une loi.

[Français]

(1710)

Le Sénat, en tant que seconde Chambre de réflexion, ne peut être relégué à un rôle de figurant ou de groupe de pression, comme l'ont dit certains, en matière de sécession d'une province du Canada. Le Sénat, qui a su admirablement améliorer la législation au cours des années, doit pouvoir jouer un rôle et se prononcer, par résolution, sur la clarté de la question et sur la clarté des résultats référendaires au même titre que la Chambre des communes. Ainsi le veulent les principes fondamentaux de notre démocratie parlementaire.

Certains ont dit que le projet de loi C-20 ne conférait pas un pouvoir législatif à la Chambre des communes. Le rôle reconnu à la Chambre par le projet de loi C-20 se rapproche du vote de confiance, selon eux. Ce n'est pas mon avis. Le projet de loi C-20 laisse le vote de confiance intact. Il n'y touche même pas, et c'est bien. Bien sûr, le vote de confiance n'existe qu'à la Chambre des communes. Bien sûr, il fait partie de nos conventions constitutionnelles depuis 1847, sinon 1846. Notre Parlement, cependant, en donnant un pouvoir législatif à une seule Chambre, va à l'encontre de l'égalité législative des deux Chambres fédérales.

Lorsque la Chambre des communes adopte une résolution, elle pose un geste de nature législative, car le pouvoir d'adopter la résolution vient d'un acte législatif. Il vient directement du projet de loi C-20. C'est l'exercice même du pouvoir législatif. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Sinclair de 1992, déclare qu'un décret - qui on le sait émane de l'exécutif - fait même partie du processus législatif. Dans ce cas, c'était l'article 133 de la Constitution. Or, si un décret fait partie du processus législatif, à plus forte raison en est-il ainsi d'une résolution! Si on applique ce principe au cas du projet de loi C-20, on ne peut donc pas fragmenter le processus législatif et écarter le Sénat en prétendant que la résolution n'est pas un acte législatif. Au contraire, l'adoption d'une résolution fait partie du processus législatif. Il n'y a aucune raison valable qui devrait empêcher notre Sénat de jouer pleinement son rôle de Chambre législative égale. À mon avis, le projet de loi C-20 devrait être modifié en conséquence.

Certains diront, je le répète, qu'en matière constitutionnelle les deux Chambres ne sont pas égales. C'est vrai, le Sénat n'a qu'un veto suspensif. C'est un point important, mais on l'a fait par un amendement constitutionnel. On ne l'a pas fait par une simple loi. En omettant de mettre le Sénat sur le même pied que la Chambre des communes, on intervient directement dans le processus législatif du système parlementaire qui fait partie de la Constitution canadienne.

[Traduction]

Si le Sénat accepte d'être exclu et si le projet de loi C-20 est adopté sans amendements, le même scénario se reproduira avec d'autres lois fédérales et, après un certain temps, les pouvoirs du Sénat auront été de beaucoup réduits.

Honorables sénateurs, pourquoi devrions-nous accepter une telle érosion de nos pouvoirs? Le projet de loi C-20 vise essentiellement à définir les conditions auxquelles le gouvernement du Canada accepterait de négocier la sécession d'une province.

Je suis un partisan de la clarté. J'ai toujours souhaité la clarté. S'il devait y avoir un troisième référendum au Québec, il est évident que j'aimerais que la question soit claire.

[Français]

Hélas! il est probable que cette question ne sera pas claire, et c'est mon troisième point. Selon le projet de loi C-20, il n'y aura alors pas de négociations, parce que toute discrétion dans un cas pareil est écartée, et alors l'indépendance d'une province pourrait se réaliser de façon illégale. La Cour suprême, dans son avis, l'a clairement envisagé au paragraphe 155 du renvoi. L'indépendance peut arriver de façon illégale, indirecte si je peux ainsi dire, et en se basant sur une reconnaissance internationale.

C'est ici, je crois, qu'on peut réaliser combien il vaut mieux négocier par des déclarations et des prises de position que par des lois. La loi impressionne, mais elle n'est pas flexible.

Je dois dire, en terminant, que j'ai toujours préféré le plan A au plan B pour une raison bien simple. Le plan A débouche sur l'espérance. J'espère qu'on y reviendra. Imagine-t-on, nous qui sommes nés et avons vécu au XXe siècle, un siècle qui a vu beaucoup de partitions, ce que serait une partition dans notre pays? Le Plan A est basé sur un fil conducteur. Depuis l'Acte de Québec de 1774, nos ancêtres se sont battus pour notre langue, notre culture et nos lois, et celà sans écarter l'attachement d'une forte majorité d'entre nous pour le Canada.

Nous sommes à l'étape de la deuxième lecture et j'imagine que ce projet de loi doit être envoyé en comité pour qu'on l'étudie en profondeur avec des experts. Jamais dans son histoire le Sénat n'aura eu une aussi belle chance de justifier et d'illustrer son existence et son rôle essentiel dans le parlementarisme canadien.

[Traduction]

Bref, je m'élève contre l'érosion de nos pouvoirs. On nous critique de temps à autre, mais ne nous devrions accepter aucune érosion de nos pouvoirs. Peut-être connaissons-nous en ce moment nos plus belles heures.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, ma première réaction, quand ce projet de loi a été déposé, fut de songer que si le quart d'un tout décide qu'il veut se séparer, il n'est pas irraisonnable pour les trois quarts de faire part de leur intérêt sur cette question. En ce sens, qu'il y ait manifestation d'un intérêt de la part du gouvernement fédéral sur cette question politique qui revient depuis 30 ans au Canada, cela me paraît raisonnable.

Par contre, est-ce la bonne formule? J'ai écouté les orateurs lors de ce débat à l'étape de la deuxième lecture, dont ceux de l'opposition plus particulièrement. Sans sous-estimer les discours des honorables sénateurs d'en face, je féliciterais le sénateur Lynch-Staunton de son exposé dans lequel on retrouve à peu près toutes les raisons pour s'opposer au projet de loi.

Je suis d'accord avec le sénateur Beaudoin quand il dit que la voie législative n'est probablement pas la meilleure. Nous serions mieux, si nous voulions exprimer le point de vue du gouvernement fédéral sur cette question de déposer une résolution. Je ne débattrai pas le rôle du Sénat, c'est un problème constitutionnel. C'est une matière que j'ai étudiée il y a déjà 40 ans à l'université, sous la direction du distingué juge Pigeon.

J'aimerais vous donner un point de vue plus pragmatique; la meilleure façon pour le gouvernent fédéral de clarifier cette question était-ellede demander à la Cour suprême d'établir les conditions essentielles à la validité du processus?

(1720)

Je ne suis pas d'accord avec le fait que le gouvernement fédéral fasse une telle demande à la Cour suprême, parce que cela devient une situation dans laquelle les juges se voient transformés pratiquement en politiciens et en médiateurs. Je n'aime pas cela. La Cour suprême a dit au gouvernement fédéral ce qu'il devrait faire en lui disant que si la question était claire, ils seraient obligés de négocier.

Le gouvernement fédéral ne doit pas mêler la Cour suprême à ce problème politique qui ne se réglera que lorsque les gens se parlereront, pas autrement. La Cour suprême se voit donc attribuer un rôle de médiateur et, à ce sujet, je cite Patrick Monahan:

[Traduction]

Dans le Renvoi sur la sécession, les juges de la Cour ont certes agi comme des politiciens plutôt qu'en tant que juges en parlant du devoir de négocier la sécession qui s'applique à la suite d'«une majorité claire sur une question claire».

[Français]

Les cours sont devenues quelque peu activistes, - cela dépend des périodes dans l'histoire des cours - et nous n'avons qu'à prendre pour exemple l'histoire de la Cour suprême des États-Unis où il y a eu des périodes joliment activistes. Le juge Earl Warren, ancien gouverneur républicain de la Californie nommé par M. Eisenhower à la Cour suprême, est devenu plus activiste que tous ceux de la gauche aux États-Unis.

Je ne veux pas juger notre cour. Je veux utiliser toute la diplomatie nécessaire, mais il y a un danger d'activisme qui nous guette. Une question se pose, et je cite encore Patrick Monahan:

[Traduction]

... pourquoi une société démocratique ayant des institutions politiques fonctionnant normalement laisserait-elle la magistrature décider de ces questions tout à fait fondamentales. Les tribunaux sont là pour régler les aspects juridiques des conflits et non pour donner leur avis sur des questions purement politiques comme le libellé d'une question référendaire ou la majorité requise avant que des négociations sur la souveraineté ne commencent. Nous nous attendons à ce que des politiques élus démocratiquement et responsables à l'égard de la population, plutôt que des juges non élus, règlent ces questions politiques.

[Français]

Je peux vous dire que j'ai des préjugés et je partage ce point de vue à cent pour cent. Je crois que - je sors un peu du débat, mais je vais vous dire quand même ce que je pense - la Charte des droits et libertés est devenue l'Évangile. Chaque fois qu'il y a un problème où des valeurs fondamentales dans la société se trouvent au coeur d'un débat réel, que ce soit au sujet de l'avortement, du mariage, de l'homosexualité ou d'autres questions, ce ne sont plus les politiciens qui règlent les questions, mais les juges.

Quelque chose doit manquer à notre société pour que l'on agisse de la sorte. Si on ne peut pas s'entendre, n'en parlons pas ou bien continuons d'en parler jusqu'à ce que nous soyons fatigué, mais ne laissons pas la Cour suprême décider des questions les plus fondamentales.

C'est ce qui s'est produit aux États-Unis, et vous pourrez le constater en lisant The Tempting of America: The Political Seduction of the Law de Robert H. Bork, un livre formidable qui va vous instruire sur le rôle réel des cours. Dans une démocratie, il est inquiétant que ce soit la cour qui décide des questions les plus fondamentales, c'est-à-dire celles qui, par définition, sont les plus politiques.

Honorables sénateurs, je suis ambivalent concernant ce projet de loi, mais après avoir écouté le discours du sénateur Rivest, j'en viens à la conclusion que je ne pourrai pas voter pour ce projet de loi parce que cela ne donnera rien. L'Assemblée nationale posera la question qu'elle veut poser, cela donnera un résultat et le gouvernement fédéral décidera de ce qu'il veut faire. J'espère que la loi actuelle n'y mettra pas d'enfarge.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Pitfield, le débat est ajourné.)

[Traduction]

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Pitfield, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur les paiements versés en remplacement d'impôts

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Kenny, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur les subventions aux municipalités.

L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, le projet de loi C-10 apporte plusieurs modifications à la Loi sur les subventions aux municipalités, loi qui permet au gouvernement fédéral de payer des subventions plutôt que des impôts fonciers à des villes dans lesquelles il possède des propriétés. Même si quelques problèmes se posent, dans l'ensemble, il s'agit d'une bonne mesure législative.

Les modifications portent sur deux domaines généraux. Il y a tout d'abord une série de modifications principalement de forme touchant la portée du projet de loi et son libellé.

[Français]

Honorables sénateurs, ayant pratiqué le droit au Québec pendant de nombreuses années, j'ai accueilli favorablement la décision d'ajouter le terme «biens réels» là où le mot «immeuble» est utilisé.

En conséquence de cette modification seront ajoutés à la définition d'«immeuble fédéral», pour lequel des paiements sont versés en remplacement d'impôts, les piscines extérieures, les améliorations aux terrains de golf, les amphithéâtres en plein air, les entrées des maisons et les améliorations se rattachant aux stationnements pour les employés.

Ce sont peut-être des ajouts mineurs, mais je crois qu'ils contribuent à refléter plus fidèlement la réalité. Si je dois payer des taxes foncières qui varient selon la qualité de mon entrée de maison, alors pourquoi n'en serait-il pas de même pour le gouvernement?

Le projet de loi C-10 permet au gouvernement de verser des paiements aux administrations des Premières nations lorsqu'une réserve constitue une autorité taxatrice.

De plus, le ministre pourra verser, à sa discrétion, des montants additionnels lorsque les paiements sont en retard, ce dont de nombreuses personnes vont assurément se réjouir. Il pourra aussi autoriser le versement de montants lorsque les locataires de propriétés fédérales sont en défaut de paiement de leurs taxes foncières.

Honorables sénateurs, aux termes de la Constitution canadienne, le gouvernement fédéral n'a pas à payer d'impôt foncier aux municipalités. Il leur verse cependant des paiements qui contribuent à payer des services que les municipalités effectuent sur les propriétés fédérales.

En fait, le projet de loi C-10 modifie même le nom de la Loi sur les subventions aux municipalités, qui deviendra désormais la Loi sur les paiements versés en remplacement d'impôts.

[Traduction]

Une de ces modifications est une disposition dans laquelle le gouvernement annonce son intention d'effectuer des paiements justes et équitables en remplacement d'impôts. Veuillez noter que j'ai parlé d'«intention». Le gouvernement n'est pas obligé de payer des impôts fonciers. Au comité, le ministre pourrait peut-être nous dire si le gouvernement a déjà envisagé de commencer à traiter ces paiements de l'impôt foncier non pas comme une question de bonne volonté, une façon pour lui d'être un bon propriétaire foncier, mais comme une obligation qu'il doit respecter tout comme vous, moi ou tout autre propriétaire foncier dans n'importe quelle autre ville.

[Français]

Honorables sénateurs, le deuxième grand volet de ce projet de loi prévoit la création d'un comité consultatif pour conseiller le ministre en cas de différend sur le montant des paiements dus aux municipalités.

C'est là une mesure nécessaire qui donnera un caractère officiel à la pratique consistant à s'adresser à des experts-conseils. Il faut noter, cependant, que le gouvernement n'est nullement tenu d'accepter les conseils que le comité lui prodiguera.

Bien que cela ne se produise pas fréquemment, il survient parfois des désaccords au sujet de l'évaluation d'une propriété. À l'heure actuelle, il y a des différends à régler en Alberta, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.

Les membres du comité consultatif seront rémunérés seulement lorsqu'ils exerceront des attributions de ce dernier. Le comité pourra faire appel à un assez grand nombre de membres, y compris au moins deux d'entre eux dans chaque province et territoire.

Le président pourra constituer au sein du comité des formations pouvant exercer tout ou une partie des attributions du comité, mais le projet de loi C-10 ne donne aucune précision quant à la taille de ces formations.

[Traduction]

Rien dans le projet de loi ne force le ministre à accepter l'avis du comité consultatif. Pouvez-vous imaginer tout autre type de tribunal où la personne mise en cause n'aurait pas à accepter la décision du tribunal? Aux termes de la première version du projet de loi, les membres du comité consultatif devaient être nommés par le ministre à titre amovible. Cela signifie que le ministre peut se débarrasser de vous en tout temps si vous ne vous pliez pas à ses exigences. Normalement, lorsqu'on veut que les membres d'un comité soient indépendants, on les nomme à titre inamovible.

[Français]

Des experts-conseils, dont l'avis est sollicité pour éclaircir des points techniques en matière d'évaluation foncière, ne devraient pas avoir à s'inquiéter de leur avenir professionnel chaque fois qu'ils prononcent une opinion qui risque de déplaire au ministre.

Il importe que les opérations du comité consultatif des différends soient marquées au sceau de l'équité, tant du point de vue du gouvernement fédéral que de celui des municipalités.

Mon collègue du Caucus qui siège dans l'autre Chambre, M. Gilles Bernier, s'inquiétait de ce que les membres étaient nommés à titre amovible. J'ai appris avec plaisir que le gouvernement a accepté l'amendement de M. Bernier selon lequel les nominations au comité seront plutôt effectuées à titre inamovible.

Dans le projet de loi tel que déposé, la nomination des membres et du président du comité revenait au ministre. Pouvez-vous imaginer un système judiciaire où l'accusé choisit librement le juge et le jury? Les condamnations seraient plutôt rares!

À cet effet, le gouvernement a accepté un autre amendement proposé par M. Bernier, c'est-à-dire que le pouvoir de nomination soit confié au gouverneur en conseil plutôt qu'au ministre.

Rien ne contraint le gouvernement à accepter les recommandations du comité, mais ces conseils auront du moins l'avantage d'être fournis de façon tout à fait impartiale.

Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit pour les membres du comité aucune règle à suivre en matière de conflit d'intérêt. Comme l'on peut raisonnablement croire que de nombreux experts en matière d'évaluation foncière sont au service de municipalités, certains membres pourraient alors être tenus de trancher un différend qui implique leur employeur municipal. Il me semble logique qu'ils soient tenus de divulguer le nom de leur employeur.

En vertu du projet de loi, les membres doivent posséder une expérience «pertinente», mais le projet de loi C-10 néglige de définir les exigences de cette qualité. Cela n'est pas sans importance, compte tenu que les membres du comité toucheront 125 $ l'heure, dépenses en plus, dans l'exercice de leurs fonctions. Soit dit en passant, ce taux est tout à fait conforme aux honoraires exigés par les estimateurs et évaluateurs professionnels.

Curieusement l'appartenance à l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec ou à l'Institut canadien des évaluateurs n'est pas une condition préalable à une nomination au comité consultatif.

Je crois qu'il est malheureux que ce projet de loi ne comporte aucune disposition selon laquelle le gouvernement devrait examiner le fonctionnement du comité au bout d'un certain nombre d'années.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ce sont toutes des questions que nous pourrions vouloir étudier au comité. Cependant, dans l'ensemble, c'est une bonne mesure législative et je suis heureux de l'appuyer en deuxième lecture.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

[Français]

Examen de la réglementation

Adoption du rapport budgétaire du comité mixte permanent

Le Sénat passe à l'étude du deuxième (A) rapport du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation (budget 2000-2001), présenté au Sénat le 7 avril 2000.-(L'honorable sénateur Finestone, c.p.).

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose l'adoption du rapport.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

(1740)

Les Canadiens éminents et leur rôle au Royaume-Uni

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cools, attirant l'attention du Sénat sur:

a) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des communes du Royaume-Uni, y compris le natif de l'Ontario, Edward Blake, ministre de la Justice du Canada de 1875 à 1877 et chef du Parti libéral du Canada de 1880 à 1887, le natif du Nouveau-Brunswick, le très honorable Bonar Law, premier ministre du Royaume-Uni de 1922 à 1923, et le natif de l'Ontario, sir Bryant Irvine, vice-président de la Chambre des communes du Royaume-Uni de 1976 à 1982;

b) les personnes nées au Canada qui ont siégé à la Chambre des lords du Royaume-Uni, y compris le très honorable Richard B. Bennett, premier ministre du Canada de 1930 à 1935, et Lord Beaverbrook, ministre du Royaume-Uni en 1918 et de 1940 à 1942;

c) les Britanniques de naissance nés au Royaume-Uni ou dans les dominions et colonies qui ont siégé au Sénat et à la Chambre des communes du Canada, y compris le très honorable John Turner, premier ministre en 1984 et chef de l'Opposition libérale de 1984 à 1990, et moi-même, sénateur noire en exercice née dans les Antilles britanniques;

d) les personnes de citoyenneté canadienne qui ont fait partie du Conseil privé du Royaume-Uni, y compris les premiers ministres du Canada, les juges en chef de la Cour suprême et certains ministres canadiens, dont le leader du gouvernement au Sénat de 1921 à 1930 et de 1935 à 1942, le très honorable sénateur Raoul Dandurand, qui a été nommé au Conseil privé du Royaume-Uni en 1941;

e) la résolution Nickle de 1919, une motion de la Chambre des communes du Canada en vue d'une adresse à Sa Majesté le roi George V, et les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934 à son sujet:

«C'était aussi inefficace en droit que possible. Non seulement c'était inefficace, mais c'était aussi, je regrette de le dire, un affront au souverain lui-même. N'importe quel avocat de droit constitutionnel ou quiconque se donne la peine d'étudier cette question s'en rend bien compte.»;

f) les propos que le premier ministre R.B. Bennett a tenus en 1934 dans une lettre au député J.R. MacNicol:

«Tant que je resterai citoyen de l'Empire britannique et loyal sujet du roi, j'entends reconnaître au souverain la prérogative de reconnaître les services de ses sujets.»

g) les nombreux distingués Canadiens qui ont depuis 1919 reçu des honneurs du roi ou de la reine du Canada, y compris l'élévation à l'ordre de la chevalerie en 1934 de sir Lyman Duff, juge en chef de la Cour suprême du Canada, en 1935 de sir Ernest MacMillan, musicien, en 1986 de sir Bryant Irvine, parlementaire, en 1994 de sir Neil Shaw, industriel, et en 1994 de sir Conrad Swan, conseiller du premier ministre Pearson au sujet du drapeau national du Canada;

h) les nombreux distingués Canadiens qui ont reçu 646 honneurs et décorations de souverains étrangers non britanniques et non canadiens entre 1919 et février 1929;

i) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens de naissance et de citoyenneté concernant leur aptitude ou leur inaptitude à siéger à la Chambre des lords et ou à la Chambre des communes du Royaume-Uni, notamment les Canadiens domiciliés au Royaume-Uni et jouissant de la double citoyenneté du Canada et du Royaume-Uni;

j) la position juridique et constitutionnelle des Canadiens domiciliés au pays ou à l'étranger concernant leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de leur propre souverain, la reine Elizabeth II du Canada, ainsi que leur droit de recevoir des honneurs et des distinctions de souverains autres que le leur, y compris le souverain de la France l'honneur de l'Ordre royal de la Légion d'Honneur;

k) les honneurs, les distinctions et les décorations qui ne sont pas héréditaires comme la pairie à vie, l'élévation à l'ordre de la chevalerie et les ordres militaires et de chevalerie;

l) la recommandation par le premier ministre britannique Tony Blair à Sa Majesté la reine Elizabeth II portant de nommer comme membre non héréditaire de la Chambre des lords Conrad Black, un distingué éditeur et entrepreneur canadien et colonel honoraire des Governor General's Foot Guards du Canada.-(L'honorable sénateur LeBreton).

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je désire intervenir par rapport à l'interpellation de ma collègue d'en face, le sénateur Cools, qui désire attirer l'attention du Sénat sur l'obstacle qu'on pose à la nomination de Conrad Black à la Chambre des lords britannique.

Nous connaissons tous les détails de cette affaire. Le premier ministre a eu recours à plusieurs excuses ou, plus exactement, il a lancé des accusations dans tous les sens pour expliquer ses gestes. Le sénateur Cools et d'autres sénateurs ont présenté tous les faits qui illustrent indéniablement qu'aucun fondement ni précédent ne peut justifier les gestes du premier ministre. Vous savez, comme moi, qu'aucune des diverses explications ou excuses ne résiste à l'examen. Il n'y a aucun précédent, aucune loi, aucun règlement. Rien n'excuse ce spectacle scandaleux et embarrassant. Cependant, je ne parle ici ni du protocole ni de l'absence de décorum. Je parle du caractère et du côté caché du premier ministre, de son instinct naturel à s'attaquer directement à quiconque tente de le contrarier, selon lui.

Je dois tout d'abord dire que je ne connais pas Conrad Black, bien que je l'aie rencontré une fois.

Deuxièmement, j'aime bien le National Post, même si certains de mes collègues ne partagent pas ce point de vue. Je crois qu'il s'agit d'un bon journal, dont les journalistes et chroniqueurs expriment un vaste éventail d'opinions politiques.

Il y a cependant une exception criante, celle de la page éditoriale. Je ne crois pas que cette page contribue à éclairer le débat, quand on sait que l'un des éditorialistes du journal, Ezra Levant, ancien réformiste et membre du cabinet de M. Manning, continue sans vergogne de jouer son rôle de meneur de claque pour l'Alliance canadienne, mieux connu sous son ancien nom de Parti réformiste. On le voit un peu partout défendre les intérêts de ses maîtres politiques. Il se présente lui-même comme le chroniqueur du National Post, titre que lui attribuent aussi ses hôtes des médias.

S'il agissait comme chroniqueur, soit. Nous saurions à quelle enseigne il loge et nous pourrions être d'accord avec les opinions qu'il exprime ou les réfuter. Ceux d'entre nous qui gardent un oeil sur la scène politique reconnaissent facilement ses éditoriaux parce que nous l'entendons régulièrement exprimer ses vues à diverses tribunes comme la Société Radio-Canada et le réseau CTV. Malheureusement, il n'est pas facile à reconnaître pour la majorité des Canadiens et un journal aussi influent que le Post ne devrait pas tolérer le manque de professionnalisme et le parti pris flagrant dont fait preuve cet éditorialiste. Le journal devrait, à tout le moins, l'obliger à signer ses éditoriaux. Ezra Levant ne devrait pas plus publier des éditoriaux non signés dans le Post que je ne devrais en publier dans le Globe and Mail.

Mis à part les lacunes évidentes de sa page éditoriale, je crois que le National Post contribue beaucoup aux débats publics dans notre pays si diversifié.

Troisièmement, je ne crois absolument pas que Conrad Black, cet homme aux multiples talents et réussites, et qui a certainement un emploi du temps extrêmement chargé, intervienne dans la direction et la gestion du National Post ou de ses autres journaux. Mais il y a quelqu'un d'autre qui, de toute évidence, le fait: c'est le premier ministre.

Honorables sénateurs, le débat actuel ne porte ni sur une loi, ni sur une règle, ni sur un règlement. Il est ici question du premier ministre et de son style bien connu de batailleur de rue sans pitié. Ce n'était pas difficile à voir et le public, lui, l'a bien compris.

Je veux vous lire la lettre qu'un citoyen a envoyé au courrier du lecteur:

Un baron de la presse désireux d'être chevalier
Apprit à ses dépens que n'est pas pair qui veut.
En Albion, «Sir Conrad Black» résonnait déjà sous les chandeliers,
Mais le refus de Jean Chrétien lui porta un véritable coup d'épieu.
La porte des pairs vous ayant été fermée, nous comprenons votre frustration.
Nous vous conseillons de vous en plaindre à Lady Barbara Amiel.
Et si vous faire appeler Sir Conrad est votre plus grande ambition,
Il faudrait voir à ce que, pour certains, le National Post ne soit que miel.

Cela a été écrit par Michael Cronin dans le Ottawa Citizen du 23 juin 1999.

Donc, le premier ministre est en colère contre le National Post. Il est vrai que ce journal a publié des articles informatifs et durs, mais nous avons tous goûté à cette médecine. N'est-ce pas ce que font les journaux? Que ce soit vous qu'ils visent, ou moi ou Conrad Black importe peu. Les Canadiens devraient dénoncer vertement un premier ministre qui foule aux pieds les droits d'une personne tout simplement parce qu'il n'aime pas ce que cette personne dit.

Parlons franchement! Tout cela se ramène à une seule chose très simple: Jean Chrétien veut se venger de Conrad Black. Tout tend à démontrer qu'il n'a pas suivi les conseils de son propre Conseil privé ni du haut commissaire du Canada en Grande-Bretagne et de la Gouverneure générale. Selon des documents obtenus récemment, le Conseil privé a fait de vaillants efforts pour justifier la décision du premier ministre après le fait:

Des documents récemment soustraits à l'application de la Loi sur l'accès à l'information révèlent un grand débat et une grande confusion au Conseil privé et au cabinet du premier ministre alors que les bureaucrates de haut rang ont dû se débattre pour justifier l'intervention du premier ministre.

Les documents ont été créés à la fin de juin et en juillet - ce qui laisse supposer que les fonctionnaires ont étudié leur protocole interne après et non pas avant que le gouvernement fasse obstruction à la nomination de M. Black le 10 juin, en citant une «vieille politique gouvernementale».

Honorables sénateurs, cela ne devrait pas nous surprendre. Le premier ministre nous a maintes fois montré de quoi il est capable. J'ai personnellement souvent dénoncé, tant au Sénat qu'à l'extérieur, les nombreuses contradictions dans le caractère du premier ministre, sa partialité et son hypocrisie politique. Je vous invite à lire un discours que j'ai prononcé au Sénat en décembre 1996 et qui a mis sur les dents les doreurs d'image du premier ministre et ses apologistes des médias. Je dois le dire moi-même, j'ai été bien en avance sur tout le monde dans les mises en garde contre les défauts du premier ministre. Aujourd'hui, je m'en remets à d'autres pour apporter des éléments qui permettront de savoir qui est vraiment Jean Chrétien et ce qui se cache derrière sa décision concernant Conrad Black.

Voici ce qu'écrivait Lysiane Gagnon, dans le Globe and Mail du 20 mars dernier, à propos du désir du premier ministre de solliciter un troisième mandat, sous le titre «Vous connaissez cette anecdote à propos de ce vétéran fatigué?»:

À 15 ans, il a simulé les symptômes d'une appendicite pour s'absenter d'un collègue qu'il n'aimait pas. Mis au défi de cesser de jouer la comédie, il s'est obstiné dans son mensonge et est allé à l'hôpital se faire enlever un appendice parfaitement sain. Voilà qui en dit long sur l'homme.

Un éditorial du Globe and Mail du 8 novembre 1999, paru sous le titre «La fiction du succès dans le classement du Canada à l'échelle mondiale», citait le président du Conseil canadien des chefs d'entreprises, Tom D'Aquino, en décrivant la détérioration de la situation du Canada dans l'économie mondiale. L'éditorial écrit «Chrétien, n'osez pas prononcer son nom!» et cite ensuite M. D'Aquino:

Ceux d'entre nous qui se sont exprimés publiquement ont déjà connu le genre de critique et de tentatives voilées d'intimidation que l'on peut provoquer quand on ne mâche pas ses mots. Cela se reproduira.

À quoi l'éditorial ajoutait:

Cela se reproduira en effet.

Écrivant à propos des tactiques du premier ministre dans l'affaire «Shovelgate», M. Lawrence Martin énumérait certains traits personnels révélateurs du premier ministre dans sa chronique du 26 février 2000 dans le Ottawa Citizen, intitulée «La vie dans les tranchées convient parfaitement au premier ministre»:

Il y a ce fameux épisode où M. Chrétien, quand il était collégien, avait simulé une appendicite pour obtenir un long congé du pensionnat qu'il détestait tant. Le plus extraordinaire, c'est qu'il a continué à en simuler les symptômes jusqu'à l'hôpital où un chirurgien lui a enlevé l'appendice - même s'il était parfaitement sain.

Comme entraîneur de hockey, M. Chrétien a persuadé un joueur étoile de produire un faux certificat de naissance afin qu'il puisse faire partie de son équipe et en faire une équipe gagnante. Comme politicien, il a monté une belle quasi-combine pour ses réélections de 1972 et de 1974. Il s'est entendu avec un de ses bons amis pour qu'il remporte l'investiture d'un parti rival...

Qui se trouvait à être notre parti.

... et mène une non-campagne contre lui. L'ami de M. Chrétien a raconté qu'il était resté dans une Chambre d'hôtel durant toute la campagne.

(1750)

Il fallait que M. Chrétien gagne et, dans le scandale qui secoue maintenant le ministère du Développement des ressources humaines, la question est de savoir si ses collaborateurs ou lui sont allés trop loin, s'ils ont accordé de généreuses subventions, sans pièces justificatives, à des amis afin d'acheter leurs votes.

[...] La stratégie du premier ministre pour faire taire les critiques a été essentiellement d'écraser l'opposition. Ce style - rasons-les tous - a toujours été son raccourci préféré vers le succès.

L'article de M. Martin se poursuit:

Quand je l'ai interviewé pour une biographie, la meilleure partie a été quand il a parlé de sa carrière en tant que bagarreur de rue.

[...] Alors qu'il n'était qu'un jeune avocat, il a frappé un collègue à la tête pendant une réception chic à Trois-Rivières, l'atteignant d'un si foudroyant uppercut que les femmes s'écrièrent à la vue du sang se répandant sur le parquet. Une autre fois, au collège, il administra un direct à un étudiant qui avait les biceps deux fois plus gros que les siens, l'envoyant au pays des rêves dans le gymnase.

M. Chrétien s'est peut-être adouci avec le temps. Mais quand, il y a quelques années, à Hull, il a saisi au collet un contestataire professionnel, lui administrant sa fameuse prise de Shawinigan, on a bien vu qu'il n'avait pas changé.

Dans le Globe and Mail du 24 octobre 1998, sous le titre «Qu'est-ce qui fait enrager M. Chrétien?», William Thorsell a écrit:

Pourquoi Jean Chrétien est-il tellement en colère? Pourquoi le premier ministre réagit-il de façon aussi agressive et cruelle dans les situations humaines les plus simples?

On le voit dans presque tout ce que fait le premier ministre - dans l'attitude de rodomont, de fier-à-bras qu'il adopte dans presque toutes les situations complexes et imprévisibles qu'il trouve sur sa route. Il gouverne comme une personne peu sûre d'elle-même qui n'ose pas demander de l'aide ni faire preuve de magnanimité de peur de perdre la moindre parcelle d'une épaisse carapace.

Y a-t-il un seul membre du caucus libéral qui croit en son avenir au sein du parti s'il affiche la moindre divergence d'opinion avec M. Chrétien sur une question d'orientation? Combien de simples députés ont-ils perdu leur poste au sein d'un comité pour avoir voté contre un projet de loi ministériel controversé qui ne faisait absolument pas l'objet d'une motion de défiance? Combien de simples députés libéraux ont-ils voté, parfois les larmes aux yeux, en faveur d'un projet de loi ministériel auquel ils s'opposaient en leur âme et conscience, sachant que le plus petit écart fait à la ligne de parti établie par M. Chrétien allait mettre un terme à leur carrière?

Combien d'ardents fédéralistes canadiens ont été écartés et rejetés au Québec, pendant la campagne référendaire de 1995, sous prétexte que leur aide n'était ni voulue ni nécessaire, tout simplement parce qu'ils étaient membres du parti politique adverse dans notre système démocratique?

Nous nous trouvons dans un monde fictif, un monde dans lequel M. Chrétien imagine des conversations avec des sans-abri, puis les présente au public comme étant réelles. Nous nous trouvons dans un monde de vengeance, un monde dans lequel M. Chrétien manifeste une indifférence flagrante devant les angoisses d'un ancien premier ministre et de sa famille, pris injustement dans le piège horrible d'une enquête policière bâclée. Nous nous trouvons dans un monde de paranoïa, un monde dans lequel les affiches en carton d'étudiants qui défendent la règle de droit et la liberté d'expression contre les transgressions mondialement reconnues de dirigeants étrangers se transforment en armes dangereuses.

Il est difficile pour quiconque de se rendre compte que le principe de Peter s'applique à M. Chrétien, et que pratiquement tout son entourage le sait.

[...] L'air bravache est un symptôme, pas une cause. Jean Chrétien est un homme en colère dans le poste de premier ministre. Nous ne pouvons rien faire à sa colère.

Dans le Toronto Star du 9 mars 2000, James Travers nous présente un point de vue d'initié sur les luttes internes du Parti libéral lorsqu'il dit:

... le premier ministre préfère jouer à la brute que de se faire brutaliser, et un effort aussi manifeste pour l'écarter ne fait que le convaincre de rester.

Qu'est-ce que d'autres ont dit de la question à l'étude, nommément la pairie de M. Black? Le 22 juin 1999, Lawrence Martin, du Ottawa Citizen, a déclaré:

Malgré les protestations de M. Chrétien à l'effet du contraire, seuls les gens très naïfs pourraient conclure que sa décision d'empêcher la nomination de M. Black à la Chambre des lords n'a rien à voir avec son désir d'exercer des représailles contre le National Post.

J'ai le sentiment que l'affaire de la pairie constitue pour M. Chrétien une façon de dire au magnat de la presse: «Rappelle tes chiens, sinon tu entendras parler des nôtres.»

Un article publié par Paul Stanway, dans le Ottawa Sun du 26 juin 1999, dit:

Chrétien et ses laquais ont avancé plusieurs raisons pour ne pas approuver l'élévation de M. Black à la pairie. Aucune d'elle ne semble vraiment tenir debout.

En tant que propriétaire de l'un des plus grands quotidiens de la Grande-Bretagne, le Daily Telegraph, M. Black était certes en lice pour recevoir un titre. Cela vient avec le territoire.

Personnellement, je ne suis pas un grand amateur de titres (probablement parce que je n'en aurai jamais), mais qu'y a-t-il de si terrible à ce que la reine du Canada honore un Canadien pour ses réalisations en Grande-Bretagne?

Néanmoins, il semble incroyablement mesquin de la part du premier ministre de bloquer cette nomination pour des raisons aussi évidemment personnelles. Je suppose que Chrétien devra éventuellement approuver l'anoblissement de Black, mais sa réputation aura souffert de cette niaiserie.

Voici ce que qu'écrivait Lysiane Gagnon, le 27 juin 1999, dans le Globe and Mail, sous le titre: «Honneur à Conrad, honte à Jean»:

M. Black allait donc entrer à la Chambre des lords lorsque le premier ministre Jean Chrétien est intervenu.

Même si M. Black s'était d'abord fait dire par des hauts fonctionnaires fédéraux que son anoblissement ne poserait aucun problème s'il obtenait la citoyenneté britannique, M. Chrétien a soudain décidé qu'une telle nomination était impossible.

[...] comme le Canada permet la double citoyenneté et comme la citoyenneté s'accompagne non seulement d'obligations, mais aussi de divers privilèges, il n'y a aucune raison de priver M. Black d'un titre de noblesse - aucune, sinon un esprit mesquin et partisan et une intolérance croissante à la critique du cabinet du premier ministre. On en a eu un exemple grossier l'an dernier, lorsque l'attaché de presse de M. Chrétien, Peter Donolo, a porté plainte contre le journaliste de CBC, Terry Milewski, qui avait présenté le premier ministre sous un mauvais jour en faisant un reportage agressif sur l'affaire de l'APEC.

Il semble que M. Chrétien n'aime pas la couverture que M. Black lui fait dans le National Post, et il n'aime certes pas les opinions de M. Black. Nous assistons donc à une autre tentative mesquine d'humiliation d'un adversaire politique. Ce n'est pas un scandale comparable à l'affaire Airbus, dans laquelle le gouvernement Chrétien a essayé de détruire la réputation de l'ancien premier ministre Brian Mulroney au moyen d'allégations totalement non fondées. C'est de la simple et pure mesquinerie, indigne d'un premier ministre.

Honorables sénateurs, dans un article qu'il a publié, le 29 juin 1999, dans le Globe and Mail, sous le titre «Jean Chrétien et le blocage de Conrad Black», Gordon Gibson écrivait ceci:

Ce qui est instructif, c'est la politicaillerie axée sur l'envie et le fait qu'on continue de découvrir le vrai visage de Jean Chrétien.

[...] Lorsque des Canadiens ont réussi beaucoup mieux que la moyenne dans des domaines comme les affaires et dans diverses professions, bien des gens sont envieux de leur sort [...]. Les libéraux fédéraux comprennent cela...

[...] Je l'aurais décrit...

Ici, M. Gibson fait référence à M. Chrétien.

... davantage comme quelqu'un de charmant, d'une intelligence moyenne et d'une grande bonhomie [...] mais aussi doté d'un inavouable caractère impitoyable et d'une longue mémoire pour ses ennemis. Comme M. Black est devenu son ennemi, la suite était prévisible.

[...] Enfin, je trouve outrancier l'opposition à la nomination comme pair. L'apport de M. Black aux travaux de la Chambre des lords aurait pu être extraordinaire.

J'ai aussi trouvé un article de David Warren, paru dans l'édition du 10 août 1999 de l'Ottawa Citizen et intitulé: «Le moment est venu d'invalider la résolution Nickle». Soulignant qu'il n'est pas un admirateur de Conrad Black et condamnant le recours à la résolution Nickle pour refuser cet honneur à M. Black, M. Warren avait ceci à dire de M. Chrétien:

Le comportement de Jean Chrétien n'a rien de nouveau. Un jour, à Hull, il a empoigné à la gorge un manifestant qui se trouvait à sa portée, alors qu'il aurait dû s'en remettre à ses gardes du corps. Cet incident a révélé tout un caractère!

Mais surtout, le premier ministre s'est servi de la GRC pour intenter des poursuites contre Brian Mulroney, à la suite d'accusations de corruption forgées de toutes pièces. Le calcul derrière cela, c'était que M. Mulroney était tellement impopulaire en quittant le pouvoir qu'il lui serait impossible de se défendre et que les libéraux pourraient s'en donner à coeur joie en étant à l'origine de fuites aux médias relativement à une enquête qui risquait de s'éterniser.

Dans les deux cas, les malheureuses victimes ont riposté par le biais des tribunaux; en fin de compte, M. Chrétien a probablement regretté d'avoir voulu s'amuser un peu.

[...] M. Chrétien...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur LeBreton, j'ai le regret de vous informer que vos quinze minutes sont écoulées.

Le sénateur LeBreton: Ai-je la permission de continuer?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

L'honorable Sharon Carstairs (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, pendant que le sénateur LeBreton a la parole, je voudrais faire remarquer que tout le monde est d'accord pour ne pas voir qu'il est 18 heures.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Sénateur LeBreton, continuez, je vous prie.

Le sénateur LeBreton: M. Warren poursuit:

... L'invocation par M. Chrétien de la résolution Nickle était manifestement un prétexte. Non seulement il n'était pas question dans cette résolution de l'élévation d'un résident britannique ayant la double nationalité, mais s'il en avait été question, elle n'aurait eu aucun effet. Qu'importe les résolutions canadiennes, les Britanniques en Grande-Bretagne peuvent faire ce qu'ils veulent. Seule la courtoisie les en empêche.

Et c'est en jouant, officieusement avec ce pouvoir de courtoisie que M. Chrétien a abusé de son pouvoir...

Un article a été publié dans le Halifax Daily News du 8 mas 2000 sous le titre «Le premier ministre mérite qu'on le sacque: le fiasco concernant l'élévation au rang des pairs de M. Black révèle les faiblesses de M. Chrétien» par Harry Fleming. M. Fleming commence par cette citation:

«De quoi se nourrit notre César pour être devenu si grand?» - Cassius, dans Jules César, de Shakespeare.

Le p'tit gars de Shawinigan est devenu trop grand pour ses bottes.

Oubliez un instant, si vous le pouvez, le fait que trois des dix enquêtes de la GRC sur les subventions douteuses «créatrices d'emplois» ont lieu dans la circonscription de Saint-Maurice. Oubliez tout le reste, y compris ses tractations financières douteuses. Oubliez aussi le pauvre Conrad. Au lieu de cela, concentrez-vous sur l'affaire Black et évaluez le caractère de l'homme qui a été pendant 37 ans au centre ou presque de notre politique nationale.

(1800)

Le «p'tit gars» [...] est devenu un véritable Napoléon: assuré, suffisant, outrecuidant, dictateur, intolérant, obsédé par l'histoire, vindicatif, mesquin; il est plus que temps qu'il se fasse battre aux élections.

Utilisant un faux précédent, M. Chrétien est intervenu auprès du gouvernement britannique pour empêcher que M. Black ne soit nommé lord à vie. Étant donné que celui-ci était propriétaire du Daily Telegraph de Londres, ne pas offrir de le nommer lord aurait constitué une situation sans précédent. [...] Pourquoi cette intrusion dans les affaires d'un autre pays? Simple rancune. Telle était la raison. Le principal produit de Black au Canada, le National Post, avait présenté des articles gênants sur les affaires financières de M. Chrétien et de certains de ses amis.

Pour empirer les choses, M. Chrétien et ses larbins ont non seulement fait fi des conseils de leur agent principal du protocole quant au fait que M. Black était en effet éligible à la nomination à la Chambre des lords, mais ils les ont dissimulés.

Son image de p'tit gars prenant part à des combats de rue durant son enfance à Shawinigan a été très bien vue. Ses manières pittoresques ont fait de lui un homme du peuple, contrairement à l'aristocratique Trudeau. L'homme «ne sachant parler aucune des deux langues officielles», c'était nous.

C'était alors. Maintenant, c'est un voyou.

Honorables sénateurs, il existe de nombreux articles similaires dans nombre de nos journaux, mais je n'ai pas le temps de tous les lire officiellement.

Pour terminer, j'aimerais parler du jeu le plus populaire en ville - le «jeu du reproche», auquel le premier ministre et son gouvernement sont champions. Jamais on n'entend de leur part une admission d'erreur, une excuse, pas même un simple «je suis désolé»; et ils ne font preuve d'aucune responsabilité ministérielle.

Le premier ministre peut prendre un hélicoptère du gouvernement pour aller skier, faire construire une route privée coûteuse menant à sa propriété privée aux frais des contribuables et étrangler un manifestant ou blâmer la GRC. Il peut ne pas assister aux funérailles du roi Hussein, blâmer les Jordaniens, le personnel, puis diriger ses reproches vers le chef d'état-major de la Défense. Il peut mal se débrouiller lors d'une assemblée publique et dire que c'est la faute de la serveuse de Montréal qui lui a demandé de tenir sa promesse concernant la TPS. Il peut y avoir des fuites au Cabinet et le fameux gâchis d'un milliard de dollars, et il dit que c'est la faute de la bureaucratie. Il peut passer à un cheveu de perdre le pays et dire que c'est la faute du Parti libéral du Québec.

Lorsqu'il n'y a plus personne sur qui rejeter le blâme, on peut toujours se rabattre sur Brian Mulroney, même si M. Chrétien fait bien attention pour ne pas l'associer au libre-échange, à la réforme fiscale, au leadership international et à toutes les autres politiques du gouvernement de M. Mulroney qui contribuent aujourd'hui à renforcer notre économie.

Maintenant qu'on connaît les défauts de son gouvernement, M. Chrétien peut dire que c'est la faute du National Post et, par extension, de Conrad Black.

M. Black est en bonne compagnie sur le tableau du «jeu du reproche» du premier ministre. Il y a la reine. Conrad Black n'a pas été nommé lord à vie afin que la reine ne se trouve pas dans «l'embarras» constitutionnel de devoir choisir entre des avis contradictoires de deux chefs de gouvernement, selon des sources au sein du gouvernement du Royaume-Uni. C'est ce qu'on rapportait dans le National Post du 22 juin 1999.

Le premier ministre britannique, Tony Blair, a reçu les mêmes raisons que la reine.

Vous l'avez deviné, honorables sénateurs, pourquoi ne pas se rabattre encore une fois sur Brian Mulroney, et je cite un extrait d'un interview du 19 mars 2000, lorsque Don Newman, du réseau anglais de la SRC, a demandé:

Pensez-vous que ce procès n'est vraiment qu'un moyen de faire de la publicité pour les journaux de Conrad Black ou pensez-vous qu'il voulait vraiment être à la Chambre des lords?

Le premier ministre a répondu:

Un comité du Cabinet a examiné ce dossier et a conclu que le règlement adopté par M. Mulroney était bon, et nous ne l'avons pas changé. Il ne pourrait donc pas accepter la nomination et garder sa citoyenneté canadienne. C'est tout.

Je crois que c'est la première fois que le premier ministre utilisait le mot «bon» et le nom de M. Mulroney dans la même phrase. Je dis au premier ministre que c'est un bel effort, mais que ce qu'il a dit est totalement faux. Le gouvernement Mulroney n'a adopté aucun règlement à cet égard, et il le sait.

Honorables sénateurs, c'est clair comme de l'eau de roche. Ce geste méprisant n'est fondé sur rien d'autre que de la fausse vanité. Nous n'avons d'autre choix que d'accepter que c'est la prérogative du premier ministre et que nous ne pouvons rien y faire. Que c'est malheureux!

Le professeur Lorne Sossin d'Osgoode Hall et de l'Université York a écrit un article dans le Globe and Mail du 23 mars 2000 après le jugement du juge Lesage. Le jugement disait:

Il est notoire dans la jurisprudence canadienne que l'avis émis par un dirigeant politique sur des questions concernant les affaires étrangères tombe sous le coup de la prérogative politique et ne peut être porté devant les tribunaux.

En d'autres mots, le premier ministre est au-dessus de la loi. Le professeur Sossin écrit ce qui suit:

Lorsque la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas en cause, comme dans le cas de M. Black, l'ancienne règle de common law voulant que les prérogatives royales ne puissent être soumises à une révision judiciaire continue de s'appliquer. Les tribunaux pourront se prononcer sur l'existence effective de ces prérogatives, mais ils n'expliqueront ni le comment ni le pourquoi de leur exercice. Cela signifie que les simples citoyens (même des personnes disposant des ressources extraordinaires comme M. Black) ne peuvent tenir le premier ministre responsable des préjudices civils dont ils auraient été victimes à la suite de l'exercice d'une prérogative royale. Se pourrait-il que, en l'an 2000, un élu puisse agir impunément dans notre pays?

Il poursuit:

Il appartient à la cour de vérifier que l'exercice des pouvoirs publics est conforme à la loi. Si le premier ministre a déterminé que la Reine ne devait pas conférer la pairie à M. Black et a communiqué de bonne foi cette position au gouvernement britannique, alors aucune poursuite ne devrait être intentée, en dépit de l'orgueil blessé de M. Black. Mais si le premier ministre a élaboré et communiqué une position à cet égard par inimitié contre M. Black, alors il ne s'agit plus d'une décision politique légitime, mais bien d'une attaque personnelle et d'un abus de pouvoir. Le droit dicte qu'aucun personnage public ne jouit de la discrétion absolue, pas même le premier ministre ou la Reine.

[...] Ne pas rendre de comptes au nom de la prérogative royale c'est faire affront au caractère démocratique du Canada.

Honorables sénateurs, toute cette affaire constitue un embarras pour le Canada et devrait amener les Canadiens à méditer sur les gestes du premier ministre. C'est triste à dire, mais ce n'est là qu'un autre exemple d'utilisation des armes favorites du premier ministre - frapper sans prévenir -, car c'est ce qu'il a fait à Conrad Black et, ce faisant, il a fait tort à la réputation du Canada dans le monde. Et tant pis pour l'honnêteté et l'intégrité, car en l'occurrence, il n'a fait preuve ni de l'une ni de l'autre.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur LeBreton autoriserait-elle une brève question?

Le sénateur LeBreton: Bien sûr.

Le sénateur Taylor: Comme les honorables sénateurs semblent bien connaître lord Black, ou celui qui a failli devenir lord Black, madame le sénateur confirmerait-elle une rumeur qui circule? Apparemment, parce que la revue Frank le désigne de façon très péjorative comme «lord Tubby», Conrad Black achèterait cette petite publication pour faire taire cette voix?

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint suppléant du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Cools a déjà participé au débat sur cette interpellation. Je crois savoir qu'un sénateur ne peut participer deux fois au débat sur une interpellation.

Son Honneur le Président: Comme il s'agit de l'interpellation de madame le sénateur Cools, elle a le droit de clore le débat.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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